mercredi 27 mars 2013

Le Plan Saint-Laurent de Legault: comment raviver la stratégie des grappes industrielles

Bien surpris, comme plusieurs autres citadins, d'apprendre cette semaine le dévoilement de la stratégie économique de la Coalition Avenir Québec. Le Plan Saint-Laurent mise sur la bonne vieille théorie des grappes industrielles à la Silicon Valley.

Pour ceux qui aiment l'art oratoire... c'est pas du Lévesque, ou du Churchill. (Voici le pdf du discours de samedi de François Legault, chef de la CAQ.)


Assez efficace malgré tout, le Plan Saint-Laurent se veut une contre-attaque au "Plan Nord" libéral, et au "Plan Pétrole" du PQ.


C'est Gérald Tremblay qui doit sourire. Il était un des grands apôtres au Québec de cette théorie économique promulguée par des économistes notoires comme Alfred Marshall, Michael Porter, et Paul Krugman.

M. Tremblay à M. Legault: la stratégie des grappes a, depuis les années 1980 (voire cette étude de Boyer, Dagenais, et Martin, 1981), déjà été mise en place dans une certaine mesure par de nombreuses mesures. Parmi les projets encore en vie, notons Aéro Montréal, et le programme de créneaux industriels ACCORD (oui, oui, il existe encore!).

Sans en être un "grand fan", je suis de l'avis que cette stratégie a l'avantage de forcer la bureaucratie à arrimer ses services aux entreprises, qui, par la nature même d'une bureaucratie, sont souvent gérés en "silos".

Évidemment, ce qu'on oublie souvent de mentionner, c'est que la Silicon Valley de Californie, et la Route 128 de Boston, ont eu de gros coups de pouce de l'appareil militaire américain. C'est à coups de milliards en recherche militaire que les sociétés de télécommunications ont réinventé le tissu industriel américain, dans ces mystérieuses "grappes" qui émerveillent encore certains économistes.

Toutes réserves mises de côté, il faut lui donner du crédit, à ce Legault.

Un plan de communication efficace

Le slogan, que les médias ont transformé en "Plan Sud", est simple, accrocheur, et politiquement intelligent. La base démographique de la CAQ se trouve dans les basses terres du Saint-Laurent, tout comme les trois-quarts de la population du Québec...

Pourquoi aller briser le Nord, quand les Québécois veulent de bons emplois chez eux?

Par ailleurs, en lisant soigneusement son discours, on y trouve un mécanisme rhétorique assez puissant. Le Saint-Laurent évoque d'un coup une stratégie qui touche l'imaginaire, la beauté de sa géographie, l'histoire de nos ancêtres...

Tout en réussissant à intégrer chacuns des éléments de la bonne vieille plate-forme électorale caquiste:
  • développement économique par l'éducation supérieure et la science
  • lutte à la pauvreté par la lutte au décrochage scolaire
  • réduction de la bureaucratie dans la politique industrielle
  • miser sur la productivité plutôt que la création d'emploi
  • miser sur l'entrepreneurship, plutot que la "solidarité"
À ces éléments traditionnellement Caquistes, Legault arrive à ajouter quelques éléments un peu novateurs, parfaitement bien ficellés au thème du Saint-Laurent.
  • arrimage de l'environnement et de l'économie, cette fois par la décontamination de terrains industriels et l'éco-tourisme
  • arrimage d'économie et de qualité de vie, par la reprise des berges à Montréal
  • arrimage de la politique et des "nouvelles idées"
Legault le dit même assez bien: 

Il ne manquerait pas grand-chose pour développer ici, sur les bords du Saint-Laurent, une des sociétés les plus innovatrices au monde.

Conclusion: bravo pour le slogan. Grâce à une stratégie de communications intelligente, cette plate-forme économique traditionaliste a même l'air inspirante. 

Pour les geeks de politique économique, c'est surtout le retour de la bonne vieille stratégie des grappes.