lundi 3 décembre 2007

Se battre contre les Chinois... en Afrique

Signe des temps, le Mozambique a traduit cet été son code du travail en mandarin pour satisfaire les sociétés chinoises qui y construisent de nombreuses infrastructures.

La méthode chinoise ne fait pas que des heureux. Pékin veut le pétrole, et n'hésite pas à transiger avec les régimes douteux de l'Angola, du Soudan et du Zimbabwe. Des pays corrompus qui participent à des campagnes de nettoyage ethniques ou des conflits armés. Et les sociétés chinoises rechignent à se faire imposer des conditions. Elles refusent souvent, par exemple, de faire travailler des Africains sur leurs chantiers.

Un hic majeur pour le gouvernement d'Afrique du Sud - un des mieux outillés de l'Afrique subsaharienne - qui exige que des Noirs participent aux travaux et même au quart du capital-actions de projets majeurs. Cette politique du Black Economic Empowerment (BEE) ne passe pas bien chez les Chinois, dit Sanusha Naidu, professeur à l'université Stellenbosch, près du Cap. Elle indique que des entreprises chinoises ont tout de même accepté un contrat BEE pour refaire une partie du port de Richard's Bay, un complexe métallurgique.

Habitués à se faufiler entre les intérêts des Européens et des Américains, les ingénieurs québécois doivent maintenant se battre contre les Chinois pour leur place sous le soleil africain.

Les Chinois sont de plus en plus présents dans la construction d'infrastructures, affirme Marc Parent, président de Tecsult International, une filiale de Tecsult.

Palais de culture, stades, routes, centrales énergétiques, les Chinois peuvent tout construire à des prix imbattables. Selon Pékin, pas moins de 780 000 ouvriers chinois sont en Afrique pour réaliser des travaux de toutes sortes. Un chiffre conservateur, aux yeux de plusieurs.

D'autant qu'ils adorent les méga-projets, dit Hamidou Mamadou Abdou, vice-président, international, chez CIMA +, de Laval. Il les connaît bien. Ce Nigérien a vécu cinq ans en Chine, le temps de terminer un Bac en génie. Les dirigeants africains, dit-il, apprécient plusieurs aspects de leur " partenariat " avec la Chine. Bas coûts, goût pour les grands projets, vision à long terme et surtout, une attitude moins paternaliste que celle des Occidentaux.

" La Chine dit "Je suis pauvre. Je suis comme vous". Eh bon Dieu ! La plupart des pays africains ont bien accueilli cette vision des choses ", dit Hamidou Mamadou Abdou.

Made by China

Dans l'ombre du dragon chinois, y a-t-il de la place en Afrique pour les ingénieurs québécois ?

Pour des sociétés intégrées, comme SNC-Lavalin, l'Afrique demeure un marché intéressant. Mais SNC préfère les contrats hyper-spécialisés plutôt que de construire des routes et ponts, dit Claude Proulx, analyste chez BMO Marchés des capitaux. Par exemple, la société a récemment obtenu le mandat de l'ingénierie de détail de l'aluminerie Coega, un projet de Rio Tinto Alcan en Afrique du Sud. L'expertise des Chinois n'est pas encore suffisante pour pouvoir concurrencer SNC.

Les Chinois ont aussi besoin d'expertises de l'extérieur pour réaliser les plans détaillés, qui ne sont pas faits avant l'octroi d'un contrat. C'est plutôt la tradition européenne qui y prédomine, selon laquelle les plans détaillés sont réalisés après la signature.

Ainsi, même si les Québécois n'ont pas de chance avec les travaux de construction, ils peuvent se greffer aux entrepreneurs gagnants. Ce que font déjà Tecsult et CIMA +. Pour les plus petites sociétés québécoises de génie-conseil, celles qui se contentent de dessiner les plans, la présence des Chinois en Afrique représente une occasion d'affaires en or, dit M. Mamadou Abdou.

Ce dernier supervise personnellement les travaux de Henan-Chine, une société chinoise mandatée pour réaliser des travaux majeurs de voirie dans la ville de Touba, au Sénégal.

Malgré les avantages des Chinois, dit-il, les Africains se rendent à l'évidence : la Chine est encore un pays " en développement " et les travaux de leurs ingénieurs ne répondent pas toujours aux normes de qualité occidentales. Les gouvernements qui paient la note n'ont pas envie de se retrouver avec des infrastructures à refaire après seulement 5 ou 10 ans.

Mais pour gagner plus de contrats, les ingénieurs québécois devront s'activer. Ils sont devenus pantouflards, admet Marc Parent.

" Il faudra ouvrir plus de bureaux locaux. Il faut devenir comme une vraie multinationale. Si on reste à Montréal et qu'on attend que les Chinois viennent nous donner du travail en Angola, on va attendre longtemps ! " dit-il.

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Tiré du journal Les Affaires du 1er décembre 2007.