Une jeune femme de Détroit, au Michigan, a mis au point un manteau qui se transforme en sac de couchage. Veronika Scott,
une étudiante en design, voulait créer un produit qui aiderait les
milliers de sans-abri de sa ville
- dûrement frappée par la récession - à
survivre au froid. Il y a une pénurie de logements d'urgence dans la
ville qui a inventé l'industrie automobile en Amérique.
C'est un exemple inspirant d'innovation croisée, l'acte de marier des matériaux et technologies d'industries non-reliées, afin d'innover un produit utile. L'innovation en soi est un phénomène complexe à élucider. Pis encore, un des processus d'innovation les plus complexes est ce qu'on appelle l'innovation croisée (cross-industry spillovers).
J'ai lu aujourd'hui cet exemple fascinant de cette hybridation qui a cours dans nos sociétés, souvent à petite échelle. Lorsque réalisée fréquemment, cette innovation croisée génère des solutions à nos problèmes et de la prospérité.
Bref, Mme Scotte a pris du Tyvek, pour concevoir un manteau doté d'une capuche énorme. Le Tyvek, c'est une toile de plastique ultra légère de DuPont, utilisée pour isoler les maisons. On voit régulièrement ce produit sur les maisons en construction, juste avant la pose du revêtement extérieur. L'isolant du manteau est une bourrure industrielle standard.
Elle dit pouvoir fabriquer le manteau pour moins de 20 dollars. Il serait confortable malgré une température de 17 degrés fahrenheit (-8 degrés Celcius). Le projet est en pleine lancée, reçoit des attentions médiatiques incessantes, et Mme Scott a déjà quelques employés à sa liste de paie.
Ce qui m'a étonné, c'est que les compagnies de vêtements de plein-air n'aient pas pensé à ça! Ils sont spécialisés en sacs de couchage et en manteaux...
C'est la particularité de l'hybridation économique. Elle n'arrive jamais des endroits prévisibles. C'est du moins l'avis d'une de mes auteurs préférées, Jane Jacobs. Dans l'histoire économique, plusieurs innovations croisées n'ont pas été proposées par les géants de leurs industries respectives.
C'est pas une question d'incompétence de la part des North Face et autres Chlorophylle de ce monde. C'est la nature de la bête. D'ailleurs le Tyvek se prête à plusieurs sauces. Toutes sortes d'applications que même les PhD de DuPont n'avaient pas vu venir. On s'en sert au Japon au pied des orangers, on en fait des souliers, des portefeuilles et des cerf-volants!
Mais il faut de la vision et une grande ouverture d'esprit pour s'intéresser aux matériaux de construction lorsqu'on conçoit un vêtement pour sans-abri.